INJALBERT ES-TU-LÀ?
1915: Jean-Antoine Injalbert sculpte les premiers réfugiés belges. Douleur, résignation, espérance. 2015: Corine Pagny peint les migrants de « la jungle » de Calais et leur apprend à dessiner... 100 ans après, la même humanité et l’art au secours de la société. Ils étaient faits pour se rencontrer. La preuve: en janvier 2018, Corine s’installe pour un an à la Villa Antonine, dans l’atelier du sculpteur né à Béziers, mais célébré à Paris. Enfin, la passation de l’exigence, chère au maître des lieux. Car ce lieu, magique et secret, inspire. Il suffit d’être à la hauteur de la mémoire des murs. Aussi Corine voit grand. Elle abandonne les petits formats qui ont fait sa renommée. Et sur d’immenses draps de coton naît toute une galerie de portraits et personnages, inspirés des oeuvres qui embellissent le parc. Quoi de plus symbolique qu’un drap, l’étoffe emblématique qui a souvent connu notre conception et accompagne notre mort. Une modestie grandiose, en hommage à leur créateur. Un académisme épuré et fort, signé d’un geste instantané. Dans la tradition du fameux « trait français », pratiqué par Ingres au XIXe siècle. Capter la vitalité, le temps d’un instant fugace, même d’une statue. L’émotion au coeur de pierre, renaît sur les ondulations du tissu, dans la lumière d’un atelier, sous la ramure d’arbres centenaires. Le passé et la modernité n’ont plus d’âge. Et même, lorsque durant ses séances de dessin, Corine croque à l’encre de Chine, des nus de son modèle vivant, elle pense à lui. Le sculpteur, face à sa muse et qui dessinait comme elle. Sûr, qu’il aurait aimé. Car, l’art est ce qui fait que la vie est plus belle que l’art (Joseph Kosuth). Armel Ferroudj-Bégou